L’Etat social en Suisse: progressif ou régressif?

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Pour répondre à un commentaire de Philippe Nantermod sur un billet précédent, je suis allé chercher quelques données sur les dépenses des ménages sur le site de l’Office Fédéral de la Statistique. L’argument de Philippe Nantermod est que les primes d’assurance maladie ne peuvent pas être considérées comme un impôt régressif si l’on prend en compte l’ensemble du système de santé qui est financé par l’impôt.

Le graphique suivant reprend des données de l’enquête suisse sur le budget et dépenses des ménages par classe de revenu. Selon un rapport de l’administration fédérale des contributions (page 8), un impôt est régressif lorsque son taux diminue alors que le revenu augmente. Comme la Suisse a un système de primes par tête, cet impôt est par définition régressif: les dépenses d’assurance maladie représentent 11.8% du revenu brut des ménages dont le revenu s’élève à moins de 4800 CHF/mois, alors qu’il n’est que de  3.4% pour les ménages qui gagnent plus de 13’171 CHF/mois. Le revenu brut mensuel moyen est de 9530 CHF, et l’assurance maladie représente en moyenne 5.5% (ces données ne donnent pas la médiane, qui serait un meilleure mesure).

L’argument de Philippe Nantermod est que le système de santé est en fait redistributif car la part publique du système de santé (hôpitaux, etc.) et les subsides d’assurance maladie sont financés par des impôts progressifs. Les données de cette enquête montrent en fait la très faible progressivité des prélèvement obligatoires. Jusqu’à 13’000 CHF de revenu brut par mois, la part du revenu brut payée pour les cotisations sociales obligatoires, les impôts et l’assurance maladie est en fait égale. Dans l’ensemble, la part du budget des ménages dépensé pour les prélèvements obligatoires s’lève aux environs de 25%. En fait la régressivité des primes d’assurance maladie élimine presque entiérement la progressivité de la taxation directe et des assurances sociales. Ces données ne prennent en outre pas en compte la taxation indirecte (TVA), qui est elle aussi régressive.

3 responses to “L’Etat social en Suisse: progressif ou régressif?”

  1. Il manque des éléments dans votre calcul, et le premier concerne les subventions aux primes maladie.
    La situation varie d’un canton à l’autre, alors je vais parler de ce que je connais, le Valais. Selon le site de la caisse cantonale de compensation (échelle complète ici: http://www.avs.vs.ch/siteAVS/pdf/francais/Echelle_2013_F.pdf), votre personne qui gagne CHF 4’880.- par mois, soit CHF 58’560.- par année, en supposant qu’il soit question d’un ménage monoparental ou en couple avec une enfant, d’une réduction de la prime d’assurance maladie de 60 à 80%, montant non négligeable et qui devrait réduire quelque peu les écarts que vous constatez.

    A nouveau, en ce qui concerne l’imposition, je me réfère cette fois au calcul de l’impôt en Valais (https://apps.vs.ch/SCC_Calculette/?Language=fr) qui tient compte des impôts cantonaux, communaux et fédéraux, sur le revenu. Pour un couple avec un enfant, le taux global est le suivant:
    Revenu de CHF 4’880.-/mois: 8.8%
    Revenu de CHF 13’171.-/mois: 22.2%.

    Je ne doute pas que l’OFS fasse des évaluations selon des critères intéressants, toutefois ils ne correspondent pas à la réalité fiscale que l’on constate sur le terrain. A titre d’exemple, parler d’un revenu de CHF 4’880.- par mois et moins n’a pas beaucoup de sens lorsqu’on sait que l’impôt atteint tout simplement zéro lorsqu’on passe un pallier un peu inférieur à ce montant.

    En bref, si vous prenez un ménage qui perçoit réellement CHF 3’600.- net par mois, il ne paiera quasiment pas d’impôt et touchera des subventions d’assurance-maladie en plein.

    • L’enquête suisse sur le budget et les dépenses des ménages est une enquête par sondage. Il ne s’agit pas “d’évaluations” mais de données sur les recettes et dépenses effectives des ménages. Les subventions d’assurance-maladie sont donc incluses et ne compensent en aucun cas la regressivité des primes d’assurance maladie. Ces données se basent sur ce que les ménages dépensent et reçoivent effectivement, donc elle est ce que l’on a de plus proche de la “réalité du terrain”. Elle prend aussi en compte les diverses déductions fiscales dont les plus haut revenus sont plus susceptibles de bénéficier, notamment car ils sont plus susceptibles d’être propriétaires de leur logement.

      Une limite de ces données, et je le concède, c’est qu’elles ne prennent pas en compte la structure du ménage. Il y a une forte sur-représentation des ménages à une personne dans la classe de revenu en dessous de 4’800 CHF, qui sont aussi moins susceptibles d’avoir des déductions pour enfants. Elles ne donnent pas une très bonne image de la taxation des très hauts revenus non plus. Néanmoins, cela ne change pas l’idée principale que la Suisse est un pays qui redistribue en fait peu en comparaison internationale:
      https://alexandreafonso.wordpress.com/2013/07/05/la-suisse-est-le-pays-deurope-qui-redistribue-le-moins/

      • Sur le principe, je suis plutôt heureux que mon pays renonce à redistribuer. C’est là une perversion de croire que l’Etat doit prendre aux uns pour donner aux autres. Il n’y a pas de légitimité à percevoir le revenu d’un autre sans que le transfert se soit fait de manière libre.
        Je comprends bien le fonctionnement de l’OFS. Toutefois, on constate que le taux d’imposition réel en dessous de 4’800.- n’est pas de 10.1% (ci-dessus, je montre un taux à 8.8% avec tous les impôts sur le revenu, avant tout calcul de déductions qui restent possible). Il est bien inférieur. Tout comme affirmer que l’assurance maladie coûte plus de 10% du revenu, soit près de 500.- par mois. Cela ne fonctionne que si l’on ne tient pas compte des subventions, ou alors si l’on inclut toutes les dépenses de “santé”, qui dépassent largement le cadre de l’assurance obligatoire des soins mais qui n’entrent certainement pas dans le domaine de l’Etat social…

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